Nouakchott

Interview "En musique classique, l'émotion prime", selon le pianiste Vladimir Stoupel

« Qu’il s’agisse de musique traditionnelle mauritanienne ou de musique classique européenne, elle doit transmettre des émotions. C’est fondamental», dixit le pianiste franco-russe, Vladimir Stoupel, interrogé lors d’un concert à l’Institut Français de Mauritanie, le 19 avril 2025.

Image Vladimir Stoupel, en interview d'avant concert, à l'Institut Français d Mauritanie | 18 Avril 2025
  • Publié le 8 mai 2025 à 21:18
    Mise à jour 9 mai 2025 à 23:03
  • Partager:

    À savoir

    Vladimir Stoupel, né à Moscou en 1962, est un pianiste et chef d’orchestre franco-russe. Formé dès l’enfance par sa mère pianiste, Rimma Bobritskala, il donne son premier concert à 12 ans interprétant le Concerto n°1 de Tchaïkovski. Lauréat du Concours de Genève en 1986, il se produit avec des orches...

    Vladimir Stoupel, né à Moscou en 1962, est un pianiste et chef d’orchestre franco-russe. Formé dès l’enfance par sa mère pianiste, Rimma Bobritskala, il donne son premier concert à 12 ans interprétant le Concerto n°1 de Tchaïkovski. Lauréat du Concours de Genève en 1986, il se produit avec des orchestres renommés comme le Philharmonique de Berlin ou l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Citoyen français depuis 1985, il partage sa vie entre Berlin et Baltimore. En 2022, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres, et en 2025, reçoit un doctorat honorifique de l’Université technique de Géorgie.

    Lire plus
    329 lectures

    Cultures Mauritanie : C’est votre deuxième visite en Mauritanie. Quelles impressions gardez-vous de ce retour par rapport à votre première venue ?

    Vladimir Stoupel : Je sens un réel intérêt pour la musique classique en Mauritanie. Il y a une curiosité, un désir de découverte. Après notre concert à Atar, un jeune homme est venu me voir et m’a confié qu’il était en larmes pendant notre prestation. Je lui ai donné ma carte de viste, et il m’a envoyé un message très émouvant.

    Cela montre que même sans formation musicale, la musique peut toucher profondément. Il ne faut pas croire que la musique classique est réservée à ceux qui “s’y connaissent”. Il suffit d’ouvrir ses oreilles, et d’écouter avec le cœur.


    Vladimir Stoupel, en concert avec son fils, Alan, et Dr Clemens Goldberg, président de la Fondation Goldberg, à l'Institut Français de Mauritanie | 19 Avril 2025


    Cultures Mauritanie : Vous allez jouer à l’occasion de l’inauguration d’un nouveau piano. Que représente cet instrument, notamment dans le contexte mauritanien ?

    Vladimir Stoupel : C’est ma deuxième visite en Mauritanie. Lors de ma première venue, il y a environ deux ans et demi, j’ai constaté qu’il n’y avait pas de véritable piano de concert sur place. Nous avions dû emprunter un piano droit, qui ne répondait pas vraiment à nos exigences. Malgré cela, le concert s’était bien déroulé.

    Grâce à la Fondation Golberg, en collaboration avec l’Institut français, nous avons pu acquérir un nouveau piano. Il s’agit d’un piano hybride. Pourquoi “hybride” ? Parce qu’il possède une mécanique traditionnelle avec des touches parfaitement réactives, mais sans cordes ni chevilles : le son est produit par un système numérique.


    Vladimir Stoupel, inaugurant le Grand piano de concert à l'Institut Français de Mauritanie | 19 Avril 2025


    Ce piano représente une solution idéale dans un pays comme la Mauritanie, où les conditions climatiques - chaleur, humidité et poussière - peuvent altérer les instruments en bois. En effet, le bois est sensible aux variations d’humidité et de température : il se dilate ou se contracte, ce qui peut entraîner des déformations et affecter la qualité sonore.



    L'autre avantage de l'instrument c'est qu'il n’a pas besoin d’être accordé, ce qui est essentiel, car à ma connaissance, il n’y a pas d’accordeur de piano en Mauritanie. C’est donc un choix parfaitement adapté pour la salle de l’Institut français.


    Vladimir Stoupel, Sluant le public, lors de son concert à l'IFM | 19 Avril 2015


    Cultures Mauritanie : Vous partagez la scène avec votre fils (Alan Stoupel). Que signifie cette expérience pour vous, sur les plans musical et émotionnel ?

    Vladimir Stoupel : Jouer avec mon fils, c’est à la fois le plus grand bonheur et la plus grande source de stress. Il est impossible d’avoir un recul émotionnel. C’est mon enfant, et je vis intensément chaque note qu’il joue.

    Il y a un lien très fort entre nous. Je ne sais pas si, pour lui, c’est plus stressant de jouer avec son père ou avec un collègue qu’il connaissait à peine. De mon côté, je fais tout pour l’accompagner et  pour le soutenir. J’espère, bien sûr, que nous soyons à la hauteur, mais ce qui compte, avant tout, c’est l’émotion que nous partageons.

       ALAN STOUPEL, VIOLONISTE

    «Jouer avec mon père dépasse largement un simple duo musical. C’est un lien intime et une manière de faire vivre une tradition familiale. J’ai la chance de partager la scène à ses côtés, à son niveau. Avec un collègue, ça pourrait être purement professionnel. Avec Papa, c’est une connexion personnelle et profonde .»


    Cultures Mauritanie : Quel message espérez-vous transmettre au public mauritanien à travers ce concert ?

    Vladimir Stoupel : Une seule chose : l’émotion. Qu’il s’agisse de musique traditionnelle mauritanienne ou de musique classique européenne, la musique doit transmettre des émotions. C’est ce qui est fondamental.

    Même si cette émotion passe par la danse, elle restera une expression universelle. J’aimerais donc que le public mauritanien ressente cette dimension.

    Lorsque nous étions à Atar, nous avons assisté à un concert de musique traditionnelle mauritanienne. C'était une grande richesse émotionnelle! Nous étions profondément touchés et avions beaucoup appris.



    Cultures Mauritanie : Dans un pays où l’accès à la musique classique est encore limité, quel conseil donneriez-vous aux jeune Mauritaniens passionnés par cet univers ?

    Vladimir Stoupel : Aujourd’hui, grâce à Internet, on peut écouter énormément de musique classique. Il y a de tout - du meilleur comme du moins bon - mais quand on est curieux, on peut apprendre énormément.

    Je recommande aussi de lire sur les compositeurs, leurs vies, leurs histoires. Ce sont des récits passionnants. On imagine souvent les compositeurs comme des bustes figés, mais ce sont des êtres humains, avec leurs soucis, leurs joies et leurs familles.

    Prenez, par exemple, Jean-Sébastien Bach : il a eu 22 enfants. Beaucoup sont morts très jeunes, mais certains sont devenus compositeurs eux-mêmes, parfois plus connus que leur père de leur vivant. Ce n’est que bien plus tard qu’il est devenu une figure majeure. Ce sont des histoires humaines, qui rendent la musique vivante.


    Suivez aussi Cultures Mauritanie sur TikTok



  • Rédacteur . profile-pic La Rédaction
  • Articles similaires

    Commentaires

    Falou Diop

    moussa camara

    Publié il y a 1 an
    mousa

    hye

    Publié il y a 1 an